Après vous avoir présenté l’interview de Paul Mafayon, illustrateur du jeu Pandaï, entre autres, nous avions forcément envie de vous en dire plus sur Igor Polouchine, auteur du même jeu. Une petite interview n’était donc pas de trop pour aller plus loin et répondre à toutes nos questions existentielles.
Bonjour, comment pourriez-vous nous en dire plus sur vous en quelques mots ?
Bonjour, alors je suis Igor Polouchine, un jeune quinqua père de trois grands enfants et très amoureux de sa compagne. Je me définis comme directeur artistique tout terrain et je suis aussi illustrateur, auteur de jeu et musicien du dimanche. J’adore tout ce qui a trait à l’image, l’animation et les concepts structuralistes.
Comment devient-on auteur de jeu de société ?
En ce qui me concerne, c’est totalement par hasard, alors que je jouais au mémo avec Victor, mon aîné, il y a plus de 20 ans. Il y avait des grenouilles en plastique à proximité, j’en ai pris une machinalement et j’ai commencé à la faire rebondir sur les cartes en les retournant au fur et à mesure. Et là, bim ! J’ai eu un flash. Crôa était né. J’ai fait le prototype dans le week-end, et l’ai proposé dès le lundi à Guillaume l’éditeur de mon jeu de rôles shaan. La machine était lancée.
Mais je ne suis pas un auteur de jeu très prolifique, parfois je réponds à une commande comme pour Little big fish, parfois je développe des systèmes pour des univers spécifiques comme Alhoa ou Thorgal. En revanche, ce qui est sûr, c’est que le jeu garde une place prépondérante dans ma vie. Je donne aussi mon ressenti sur les jeux que je teste chez Origames en essayant de dissocier mes goûts de mon expérience de jeu.
Et lorsque vous étiez enfant, vous vouliez faire quoi comme métier ?
Je voulais être chirurgien, j’étais fasciné par le fait que l’on puisse recoudre des gens. Car à 5 ans, je suis passé par la fenêtre après m’être balancé sur un tabouret (ne faites pas ça chez vous). Du coup, j’ai été à l’hôpital, mais curieusement, j’en garde de bons souvenirs auprès du personnel hospitalier, notamment un match de boxe amical avec un petit garçon qui partageait ma chambre.
J’avais la main droite bandée, et lui les deux mains (il s’était brûlé sur une plaque de four). Naturellement, je lui ai proposé que l’on boxe vu que l’on avait déjà les gants… Avec le recul, je pense que cela traduisait mes prédispositions créatives… 🙂 Je revois encore la tête des infirmières paniquées, alors que l’on ne faisait que jouer… Mais bon, je peux comprendre leur panique.
Votre jeu préféré de tous les temps, ce serait quoi ?
Je crois que c’est le PENTE. D’une simplicité redoutable et d’une pureté absolue. J’y ai énormément joué avec Tatiana, ma fille, qui continue de me ratatiner. Mais je suis toujours bluffé par la multiplicité des configurations de jeu et par le renouvellement des parties avec un matériel très sommaire.
Pas de dés, pas de cartes. On peut même y jouer en traçant des lignes sur le sable et en plaçant des petits cailloux. Après je place quand même le jeu de rôle au dessus de tout. Pour moi, ça reste le jeu des jeux. Il procure des sensations et des émotions qu’aucun autre jeu ne peut donner, en plus d’avoir des vertus sociales et psychologiques évidentes.
Sur quels projets travaillez-vous actuellement ?
Oulà, je suis toujours sur une dizaine de projets en même temps, chacun avec des timelines différentes. Là, je suis sur It’s a wonderfull kingdom qu’Origames fait en coédition avec la boîte de jeu. Je suis en train de terminer Monkey Kong pour The Flying Games. Je travaille également sur un très gros jeu pour SuperMeeple. Je suis également la production de trois jeux en interne. Et puis, quand je rentre chez moi, je bosse sur les suppléments de mon jeu de rôles Shaan ainsi que sur une bande dessinée qui se situe dans le même univers, illustrée par Fabrice Weiss et qui sortira chez Drakoo début 2022.
Vous avez des chouchous parmi les auteurs/illustrateurs de jeux français ?
Ah oui, très clairement. En numéro un, je dirais Paul Mafayon, avec qui j’ai toujours un grand plaisir à collaborer et qui arrive encore à me surprendre. Puis Camille Chaussy, avec qui je fais tous les jeux pour The flying game et qui dispose d’une grande variété de styles. Anthony Wolff aussi m’étonne toujours par son intelligence, la qualité de ses visuels et sa rapidité d’exécution. Et forcément Fabrice Weiss, avec qui je me suis embarqué dans une chouette BD. En auteur de jeu, je dirais Frédéric Guérard, que l’on a connu tout au début et qui maintenant est en train d’exploser avec It’s a Wonderful World et prochainement It’s a Wonderful Kindgom.
Vous êtes plutôt Monopoly, belote ou Donjons & Dragons ?
Ah mais c’est une question que l’on ne pose pas à un rôliste. Je suis forcément Donjons & Dragons. Tombé dans la marmite du jeu de rôles à 15 ans, j’en ai essayé beaucoup. Puis finalement, comme je ne trouvais pas ce que je cherchais, j’ai inventé le mien. En plus, j’ai le bonheur de jouer tous les quinze jours à Shaan renaissance avec Julien, mon co-auteur et meneur de jeu préféré, des amis d’enfance et mon plus jeune fils Théodore.
Les jeux vidéo, c’est le mal ?
Non pas du tout, bien au contraire, ça développe la vision dans l’espace, les réflexes et une certaine perception cognitive, mélange de logique et d’intuition. Après, je suis totalement passé à côté, car adolescent, je préférais m’éclater sur mon synthétiseur et mon atari 1040 ST pour y faire des compos musicales dès que j’avais un moment de libre. Donc j’ai vu le train du jeu vidéo passer, mais je suis resté sur le quai de la gare.
Après, j’ai fait quelques parties de World of Warcraft et de Minecraft avec mes gosses, histoire de ne pas trop passer pour un arriéré, mais je n’arrive pas trop à trouver de l’intérêt dans ce média. A chaque fois que mes enfants me montraient un jeu vidéo, je leur demandais, oui, mais est-ce que l’on peut grimper aux arbres ? A chaque fois la réponse était négative. Et puis un jour, mon aîné m’a montré Assassin Screed, tout fier en me disant, « Et là, tu vois, tu peux grimper sur les toits ». Et là, j’ai vu que les jeux vidéo avaient franchi une étape décisive.
Après, le confinement aidant, je suis amené à beaucoup jouer aux jeux de société, mais en virtuel, donc ça pourrait se rapprocher du jeu vidéo…
Enfant, quel jeu auriez-vous rêvé d’avoir ?
Enfant, je n’était pas très porté sur les jeux de société. Je jouais souvent au barbu, le dimanche avec ma mère, mais je me retrouvais toujours avec des scores négatifs, donc ça me déprimait. Je jouais aussi au Scrabble avec ma grand-mère, mais qui était prof de français, et moi pas très bon élève, du coup elle me mettait des taules. Alors, j’inventais des mots, mais ça ne marchait pas.
Sinon, j’étais très Lego…. Mais très… J’y ai joué jusqu’à quinze ans, je crois. À un moment où mes potes étaient passés à autre chose depuis longtemps et où je plongeais mes mains dans mon grand sac de pièces avec des relents de culpabilité. J’ai fini par arrêter à contre-cœur. Pour mon plus grand malheur, mon aîné n’a jamais été passionné par les Lego, ni ma fille. Du coup, j’ai fait un troisième, dans l’espoir de pouvoir lui transmettre ma flamme. Et bingo, il a été pire que moi… Bon, il s’est quand même arrêté d’y jouer bien avant ses 15 ans.
Enfin, quelle adaptation de film aimeriez-vous voir en jeu de plateau ?
Cloud atlas. Il y aurait un gros jeu à inventer avec différents plateaux qui correspondraient aux différentes époques du film. Des personnages que l’on retrouverait dans les diverses temporalités et qui auraient des liens entre eux. Des cartes d’effets, des ressources à produire, du temps à gérer, des figurines. Et puis en fil rouge, la tension dramatique d’une éternelle révolution à mener à bien selon chaque époque. Voilà, bon, ben y’a plus qu’à !
Merci encore Igor d’avoir pris le temps de répondre à nos questions. Pour découvrir une partie d’un univers très très vaste, vous pouvez consulter le site de Shaan.