Christine Berrou, vous la connaissez sans doute si vous écoutez Europe 1, puisqu’elle est chroniqueuse pour Sortez du Cadre avec Nikos Aliagas. Et bien entendu, vous n’avez pas pu la manquer si vous êtes fan du Jamel Comedy Club. Depuis le 4 mars, Christine Berrou est au Théâtre du Gymnase les vendredis et samedis à 20h. Drôle depuis 1982, elle est également végane ! Rencontre avec une belle personne.
Bonjour Christine, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vous ? Quel a été votre cheminement jusqu’au spectacle que vous jouez en ce moment ?
Un peu plus sur moi… Je suis humoriste, auteur, comédienne, ancienne journaliste, fervente militante de la cause animale et j’adore faire du puzzle en écoutant les Podcasts de Michel Onfray ou Franck Ferrand, mais je ne suis pas sure que ce dernier aspect de ma vie fasse rêver vos internautes.
Quant au cheminement du spectacle… J’ai commencé à écrire des blagues et à les jouer sur scène en 2007, année où j’ai quitté mon boulot de journaliste. Pendant 9 ans, j’ai appris mon métier via une multitude de rencontres et d’expériences. J’ai eu énormément de chance, on m’a offert de très belles opportunités qui m’ont permise de comprendre que sur scène, j’avais le droit d’être « moi », que je n’étais pas obligée d’aborder uniquement des sujets populaires comme les « Rapports homme-femme » ou les émissions de télé pour remplir des salles. C’est là que je me suis mise à aborder des sujets comme le végétalisme, la peur de la mort ou l’immigration en réalisant qu’en plus de pouvoir en rire aussi, le public était sensible au fait qu’on lui parle avec le cœur. Le nouveau spectacle est alors né progressivement sur les scènes du Point Virgule et du Jamel Comedy Club, ensuite, tout naturellement, Jamel Debbouze a proposé d’en devenir le producteur.
Comment s’est passée la première ? Aviez-vous le trac ? Êtes-vous satisfaite des critiques ? (Si vous les avez lues !)
Bien sûr, j’étais morte de trouille et à la fois j’étais satisfaite du travail fait sur le texte mais aussi de la mise en scène d’Anne Poirier Busson qui a fait un travail incroyable, notamment sur les lumières et la précision de mes déplacements. Je me suis dit : « Si ça plait pas, franchement tant pis, j’y ai mis tout mon cœur, il n’y a rien à regretter ». Le jour J, j’ai été très entourée par mon entourage amical et professionnel, puis le fait d’entendre des rires sur des blagues qui me tenaient à cœur et qui n’avaient jamais été jouées a fini de me combler de bonheur. Après le spectacle, moi qui suis d’habitude très sage j’ai bien dû boire deux verres de vin pour faire retomber la pression, il fallait au moins ça . Enfin, bien sûr, j’ai lu les critiques, j’en suis très satisfaite, mais je m’efforce de ne pas non plus leur accorder trop d’importance. Si elles sont bonnes, tant mieux. Si elles sont mauvaises, je ne veux pas que ça me pousse à dénaturer mon travail pour « plaire à tout prix ».
Est-ce que vous vous plaisez à la radio ? Est-ce que vous trouvez cela plus détendu qu’à la télévision ?
Je n’ai pas une très grande expérience de la télévision, j’ai été chroniqueuse un an sur France 4 et ai tourné trois saisons du Jamel Comedy Club. Au delà de ça, la télévision n’est pas un monde que je connais si bien. Quant à la radio, que vous dire… J’adore travailler à Europe 1 ! C’est une maison fabuleuse, où présentateurs, journalistes et humoristes mettent leur égo de côté pour tout simplement faire du bon travail et c’est un état d’esprit qui me plait beaucoup. Que ce soit dans les espaces de rédaction avec les gens « de l’ombre » qui font un travail de fourmis ou à l’antenne avec Nikos et ses invités, je m’épanouis totalement artistiquement et humainement. On me fait confiance, j’ai une totale liberté de ton et, en échange, je m’efforce de donner le meilleur pour être à la hauteur des centaines de milliers de gens qui nous écoutent. Tout cela forme un cercle vertueux auquel ma vie d’humoriste doit beaucoup.
A quel moment êtes-vous devenue vegan ? Vous souvenez-vous du processus ?
Cela a été très progressif. J’ai toujours été préoccupée par la cause animale, mais la société de consommation dans laquelle nous vivons avec ses publicités et ses jolis emballages de vaches et cochons heureux ont longtemps retardé mon déclic. D’ailleurs je m’en veux beaucoup. Mais j’ai finalement arrêté la viande en 2011 (Avec des rechutes jusqu’en 2012) puis le poisson en 2014. C’est en 2015 que je suis devenue totalement vegan. Dernier craquage : un Carambar à Halloween qui m’a cassé une dent, j’ai vu ça comme un signe. Enfin, aujourd’hui, je sais qu’il n’y aura plus de « craquage », mon végétalisme me comble de joie : le retour moral sur investissement est incroyable, jamais je ne me suis sentie aussi bien en phase avec moi-même et mes convictions. Et comme je ne veux plus cautionner de souffrance, je n’achète plus non plus de vêtements ou d’objets fabriqués par exemple en Chine. Ma dernière incohérence : mon Iphone. Mais je cherche une solution…
Votre véganisme est-il bien compris dans votre entourage personnel et professionnel ?
Oui et non. Quand j’ai arrêté la viande, l’agressivité de certains amis m’a blessée. Plus tard, j’ai réalisé qu’elle n’était que le fruit de leur propre remise en question : arrêter de manger des animaux c’est aussi, même sans le vouloir, titiller la mauvaise conscience des gens. Surtout de ceux qui adorent leur chien ou leur chat et qui savent au fond d’eux qu’il y a une incohérence à privilégier certains animaux tout en cautionnant que l’on en torture d’autres.
Et globalement, j’ai connu de tout : jusqu’aux gens qui du jour au lendemain décident de faire comme moi tant mon discours les inspire en passant par une véritable végéphobie dont j’ai parfois été victime. Il est arrivé, une fois, que dans un dîner tout le monde se ligue contre moi pour me dire à bout d’arguments que je cautionnais la torture des carottes. De ce dîner est d’ailleurs né un sketch. Cela peut être très violent à vivre lorsque l’on est pas préparé. Surtout que je ne pense pas être particulièrement prosélyte, je réponds aux questions, mais jamais je n’impose ma façon de vivre, chacun doit suivre son propre chemin.
Je me rappelle cela dit avoir été très blessée par un membre de ma famille qui un jour au restaurant, devant tout le monde, m’a traitée de « chieuse » parce que rien sur la carte ne me correspondait. Quand on a des convictions et qu’en plus pour être cohérent, on fait des sacrifices que la plupart des gens n’ont pas le courage de faire, se faire insulter est très violent. Et c’est pourquoi j’insiste sur le terme « végéphobie », il y a une discrimination, elle est bien réelle, j’en fais les frais de temps en temps.
Est-ce toujours facile de manger lorsque vous êtes en déplacement ou en tournée ? Faites-vous des stocks de nourriture dans votre valise ?
L’équipe de Debjam avec qui je travaille est fabuleuse et, en tournée, le régisseur précise bien que je suis végétalienne. Le souci c’est qu’il s’agit d’un régime alimentaire très peu connu et en France on est très mal informé. Il y a encore un mois on m’a servi… du poisson ! Il y a aussi malheureusement ceux qui nous mentent en assurant que non « il n’y a pas de beurre dans le potage », je les crois et résultat je suis malade toute la nuit, car je ne digère plus les produits laitiers. Enfin il y a ceux qui confondent « végétalienne » et « au régime » et qui en guise de repas me servent… une simple salade de tomates. Heureusement, il y a aussi ceux qui voient cela comme un défi culinaire, une épreuve de Top chef, et il m’arrive de faire les meilleurs repas végétaliens de ma vie en tournée.
En voyage c’est quitte ou double, il y a des villes fabuleuses comme New-York , Los Angeles ou Stockholm où le végétalisme est totalement acquis et y manger n’est jamais un problème, au contraire. En revanche, cet été au Mexique, pays de la viande, j’ai bien failli mourir de faim. Après une semaine à manger de l’ananas et du riz, je ne me sentais pas au mieux de ma forme. Le bon côté des choses : j’ai perdu ces deux fameux kilos en trop que bien sûr, j’ai repris depuis.
Quels sont vos restaurants et vos boutiques chouchous lorsque vous êtes à Paris et qu’il s’agit de manger vegan ?
Mon restaurant préféré reste sans hésiter le Gentle Gourmet Café dont l’inventivité et le raffinement m’éblouissent à chaque nouvelle carte. Leur dernier bijoux : les macarons sans œufs ! C’est du paradis en bouche. J’aime aussi beaucoup Le Grenier de Notre Dame, leurs jus de fruits frais sont à tomber et je pourrais mourir pour leur couscous vegan.
J’ai beaucoup de chance d’avoir dans le quartier du Jamel Comedy Club et du théâtre du Gymnase deux adresses à emporter qui me comblent de joie les soirs de spectacle et les jours de répétitions : « Las Vegan », dont les nouilles au faux poulet sont mon goûter du samedi et « Le Tricycle » dont le brownie sans lait et sans œufs bouleverse mes papilles.
J’achète parfois des substituts de viande chez « Un Monde Vegan » qui propose aussi une super pâte à tartiner végétalienne, mais globalement, chez moi, je cuisine beaucoup avec des produits frais que je peux trouver partout. Je fais des risottos, des quiches au lait végétal, des légumes farcis, des soupes, des poêlés aux mille saveurs… Mes spécialités : la tarte au chocolat et le potiron farci aux lentilles. Et tout ça avec les produits du marché ou de n’importe quel supermarché. Honnêtement, c’est pas si compliqué. Mon petit ami est omnivore, nous vivons ensemble, à table je ne sers rien d’origine animale et je ne l’entends pas se plaindre. Par contre je le vois grossir…
Que diriez-vous, avec vos mots, aux gens qui aimeraient devenir vegan, mais qui ont du mal à franchir le pas ?
Je leur dirais d’écouter la voix de la cohérence, celle qui vient du cœur. Aimer les animaux et cautionner leur exploitation, c’est antinomique. Ce qui est difficile c’est d’être végétalien dans un pays qui, contrairement aux Etats-Unis ou aux pays scandinaves, n’est pas très en avance. Mais justement, devenez un pionnier ! Soyez un des premiers chez vous à faire entendre la voix des animaux !
Faites moi confiance : passé les premières frustrations d’arrêter de consommer des aliments que vous pensiez indispensables et qui ne le sont pas, comme la viande ou les produits laitiers, très vite, il vous paraitra impensable de faire machine arrière. Car je le dis et le redis : le retour moral sur investissement est énorme. Quand on aime vraiment les animaux, devenir vegan c’est être en phase avec soi-même.
Et plus nous serons nombreux, moins il y aura d’animaux parqués, de veaux retirés à leur mère, de poulets qui ne verront jamais la lumière du jour… Plus nous seront nombreux plus nous lancerons un message fort aux gros groupes d’agro-alimentaire qui finiront par nous rejoindre sur le terrain de l’éthique. Plus nous serons nombreux, mieux nous montrerons l’exemple d’une vie possible sans générer de souffrances. Et pour moi, cette vie, c’est la suite de notre évolution. Pourquoi ne pas tenter d’avoir de l’avance plutôt que du retard ?
Merci à Christine Berrou d’avoir répondu à nos questions, vous la retrouvez sur son Facebook et pour réserver une soirée au Théâtre du Gymnase, c’est ici !
Comment (1)
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Interview très intéressante! Je ne connaissais pas cette artiste et ça me donne envie d’aller la découvrir !