Gilles Lartigot a accepté de répondre à nos questions : autant vous dire qu’on est quand même super fiers… Personnage inclassable, fascinant et qui n’hésite pas à secouer les consciences, Gilles Lartigot n’a pas pour habitude de mâcher ses mots : EAT – Chroniques d’un fauve dans la jungle alimentaire tire la sonnette d’alarme quant à notre alimentation. Réveillez-vous, il est encore temps !
Bonjour Gilles, quel a été l’élément déclencheur pour l’écriture de ton livre ?
Ce sont les enquêtes que j’ai menées avec la photographe Valérie Baccon dans le domaine de l’élevage industriel. Nous avons vu des choses que nous n’aurions pas dues voir et qui ont modifié profondément notre rapport avec la nourriture. Nous avons découvert les conditions concentrationnaires dans lesquelles sont élevés les animaux que nous mangeons ainsi que la toxicité de la viande avec l’utilisation des vaccins, des antibiotiques et l’alimentation à base de grains OGM. « On est ce que l’on mange ».
Tu es actuellement en France afin de faire un cycle de conférences. Comment se passent les échanges ? Les gens sont-ils globalement curieux, sensibilisés ? Tu dois faire des tonnes de belles rencontres ?
Ce sont des show-conférences. Une forme originale, un mix entre un spectacle de stand-up et une conférence classique. Nous avons donné 44 conférences en 2014 et la tournée 2015 démarre fort avec 20 dates dans les grandes villes en France et en Suisse. Nous rencontrons un joli succès, la plupart des dates étant sold out grâce au bouche à oreille et au soutien de nos lectrices et de nos lecteurs, les EAT MEN. Je trouve qu’en France, comparativement au Québec où nous avons vécu ces 4 dernières années, le public est particulièrement réceptif. Les Français, en tout cas ceux qui nous suivent et ceux qui viennent nous voir, sont très conscientisés. Nous rencontrons effectivement des personnes incroyables dans chaque ville. Je me réjouis des initiatives de certains EAT MEN, comme par exemple le pizzaïolo Claudio Nigro à Lille qui fait des pizzas bio. Il a même créé une EAT Pizza avec de la germination fraîche ! Il y a aussi ceux qui se lancent dans la restauration végétalienne, ceux qui se lancent dans l’aventure des Food Trucks, ceux qui ouvrent des bars à jus. C’est assez incroyable ce qui est en train de se passer. Je me réjouis que EAT ait participé modestement à cet éveil de conscience, à cette dynamique qui s’amplifie de jour en jour.
Tu as changé de vie afin d’écrire ce livre, est-ce que ta vie passée te manque ? As-tu gardé des liens avec le milieu de la musique notamment ?
J’évoluais dans un milieu toxique, celui de la publicité et du divertissement. Ma vie passée ne me manque pas. Je suis pleinement heureux de ce changement de vie. Par contre j’ai gardé contact avec le milieu de la musique. Je suis musicien, auteur, compositeur, la musique fait partie de ma vie. La musique m’inspire pour l’écriture, pour la création en général. C’est une des raisons pour lesquelles on retrouve dans EAT des citations de musiciens célèbres que j’ai eu l’occasion d’interviewer à propos de leur mode alimentaire.
On a beaucoup aimé ton intervention sur Canal +, notamment sur le sujet des abattoirs. Est-ce que ta prise de conscience a eu un impact sur tes relations avec les autres ? Tes amis se sentent-ils plus concernés ou au contraire, dois-tu défendre tes convictions ?
Ce qui se passe dans les abattoirs est un sujet extrêmement sensible. Une grande majorité de personnes ne veulent pas savoir car nous savons tous ce qu’il s’y passe. C’est Paul McCartney qui dit que « Si les abattoirs avaient des fenêtres, nous serions tous végétariens ». Alors oui, cette prise de conscience a eu un impact certain sur notre entourage familial. Le fait de ne plus consommer de viande lors des repas familiaux par exemple peut se révéler problématique. Il y a tellement de préjugés sur le fait de ne plus consommer de viande. Ça me désole et j’essaye de ne pas trop militer pour cette cause, mais prendre plutôt les choses avec du recul et quelques fois un soupçon de dérision. Mais je ne fais aucune entorse à mes convictions. J’aime à dire, comme je l’écris dans EAT, qu’il faut se battre pour défendre ses convictions profondes. Quelles qu’elles soient. Il faut faire entendre sa voix et acter ses convictions au quotidien plutôt que de rester passif à râler et à ne rien faire hormis se défouler dans des débats stériles sur les réseaux sociaux.
Certains disent que « L’homme a toujours mangé de la viande ! », d’autres au contraire clament haut et fort « Non, il faut être tous vegans ! Fermons les abattoirs ! ». C’est pathétique. Ce type d’attitude ne convainc personne. Ce n’est que perte de temps et d’énergie. On ne peut pas convaincre l’autre avec ce type d’argument basique. D’ailleurs qui sommes-nous pour blâmer l’autre de ses choix ? Sommes-nous supérieurs à l’autre car il ne pense pas comme nous ? Personne ne détient la vérité. Chacun doit faire ses propres choix pourvu qu’ils soient faits en ayant les bonnes sources d’informations à sa disposition, en toute connaissance de cause et surtout, en toute conscience. Je suis fier de ne plus manger de viande.
Ton livre est très beau, très « sexy » et tu dégages également quelque chose d’unique, avec beaucoup de charisme. Est-ce que finalement, ce n’est pas ce qui manque pour convaincre les gens ? Sortir d’une image vieillotte du bio d’il y a 20 ans afin de toucher plus de monde ?
Merci pour le compliment ! Comme je le disais ci-dessus, nous avons des tas de préjugés sur le végétarisme. Tout comme sur la musique métal ou des tas d’autres choses d’ailleurs. Mais on ne m’a pas attendu pour parler du bio. Depuis les années 60, des personnes formidables ont parlé des dangers de l’agriculture intensive. Des personnes comme René Dumont, Pierre Rabhi, Claude Bourguignon, etc. Chacun acte ses convictions. Chacun fait sa part.
Tu vis au Canada : ce n’est pas trop dur de s’approvisionner en fruits et légumes « locaux » tout au long de l’année ?
C’est une vraie problématique. Je m’attendais à trouver des producteurs bio, des marchés paysans, une offre de fruits et légumes abondante, c’est très loin d’être le cas. Hormis dans les grandes agglomérations comme Montréal ou Québec, il n’y n’existe pas de marchés paysans comme ceux que l’on trouve dans tous les villages et villes de France tout au long de l’année ! On a une vraie chance en France de trouver de bons fruits et légumes bio produits localement. Les fruits et légumes bio que l’on trouve au Québec, en hiver notamment, proviennent de Californie, du Mexique ou encore d’Europe ! Ils sont chers et les labels bio aux USA et au Canada n’ont pas les garanties qu’offrent les labels européens. Ils sont plus laxistes, business oblige. De plus, l’agriculture biologique n’est pas aussi développée qu’en France. Et je ne parle pas de l’élevage des animaux, Il est très rare de trouver des éleveurs bio au Québec. Ils se comptent sur les doigts de la main. Mais comme je ne consomme plus de viande, le problème ne se posait pas.
Enfin quels sont tes projets ? Envie d’écrire un nouveau livre ? De donner des cours de cuisine ou, pourquoi pas, de créer un label de musique pour les groupes engagés ?
Ils sont nombreux ! Vous aurez de mes nouvelles avant la fin de l’année. Pour l’instant je me concentre sur le EAT TOUR 2015 qui va m’emmener ce printemps dans une vingtaine de ville en France en passant par la Suisse. J’y présente une nouvelle conférence intitulée « La nourriture Originelle – Retour aux sources de notre alimentation ». J’y aborde les dangers de notre alimentation moderne, les relations avec le développement des cancers et des maladies chroniques, le secret des super aliments au bénéfice de notre santé et des performances sportives, la régénération de nos cellules grâce à l’alimentation vivante. Nées de ses diverses collaborations avec de grands chefs, je dévoile également des recettes de cuisine simples pour une mise en pratique immédiate.
Merci à Gilles d’avoir accepté de nous répondre. Vous pouvez réserver vos places (enfin s’il en reste) pour ses conférences directement ici : http://www.editionswinterfields.com/?cat=76 et la page Facebook, c’est par ici : https://www.facebook.com/gilleslartigotofficiel?fref=ts
Crédits photos © Valérie Baccon – Yann Deva – Dakota Langlois – Félix Renaud