Aujourd’hui, nous vous présentons l’interview de Linda Vongdara. Après avoir évolué dans le monde de la mode, elle est devenue l’une des références de la pâtisserie végétale en France. Rencontre.
Bonjour Linda, nous savons que tu es multitâche. Comment décrirais-tu tes activités ?
Mon activité est clairement divisée en deux tâches principales. Tout d’abord, faire de la recherche et de l’innovation autour de la pâtisserie végétale pour mettre au point des recettes qui sont bonnes, durables et exploitables professionnellement. Ensuite viennent l’enseignement et la transmission de ces recettes aux professionnels de la restauration, via mes cours et formations. À cela, s’ajoutent des collaborations avec des établissements, du coaching, et des accompagnements pour porteurs de projets dans la restauration végétale. Je donne également des cours hebdomadaires de cuisine et de pâtisserie de manière bénévole dans un centre culturel et social de ma ville, pour un public non végane.
Pourquoi quitter l’univers de la mode qui était le tien pour la pâtisserie vegan ?
La mode est un univers vaste qui a ses codes et ses influences. J’aime et j’aimerai toujours la mode, les beaux vêtements, les créateurs inventifs et passionnés… Ce que j’aime moins, ce sont les valeurs parfois véhiculées par les grandes marques et l’industrie du luxe, au vu de toute la misère sociale que j’ai côtoyée au sein de « belles maisons », qui ne représentent pas mes valeurs de manière générale. Mais même si j’ai quitté ma carrière de styliste dans la mode, je continue à travailler de loin avec la marque La Révolution Textile créée par Myriam Underwood (marque de mode éthique et totalement transparente sur la filière de production) avec laquelle j’ai collaboré ces dernières années, et qui est le plus grand coup de coeur professionnel de toute ma carrière pour son engagement total vis-à-vis de ses valeurs éthiques et écologiques.
La pâtisserie m’a permis de retourner vers quelque chose qui a du sens : manger pour le besoin vital de s’alimenter, manger mieux pour sa santé, manger de manière responsable, manger quotidiennement tout en prenant du plaisir… Créer un produit alimentaire est bien différent de créer un objet à l’obsolescence programmée, qui va finir à la poubelle (le principe même du vêtement pas cher, saisonnier, et jetable, car de mauvaise qualité). La pâtisserie me permet d’exploiter ma créativité et de faire briller les yeux des grands et des petits, d’apporter du bonheur aux gens… Avec une approche gourmande, il est beaucoup plus facile de lutter contre les clichés et les à prioris de l’alimentation végane, et de sensibiliser le public non initié à l’alimentation végétale. Et en ayant un peu plus « professionnalisé » cette forme de pâtisserie, cela m’a permis de « bluffer » et séduire beaucoup des professionnels non véganes très exigeants.
Quels sont les plus gros challenges lorsque l’on décide de revisiter la pâtisserie sans produits d’origine animale ?
Le plus gros challenge lorsque l’on décide de revisiter la pâtisserie de cette manière consiste d’abord à mettre en place une méthodologie de travail. En France, on travaille les préparations de base et les fondamentaux (pâte feuilletée, pâte à choux, crème pâtissière, chantilly…) de la même manière depuis plusieurs siècles. Ce qui veut dire que réaliser une pâtisserie sans beurre ni oeufs représente une forme de sacrilège pour les défenseurs du patrimoine gastronomique français. Il a donc fallu étudier nos habitudes alimentaires ancestrales et l’évolution de celles-ci face à l’industrialisation, et comprendre comment des pâtissiers des 17e et 18e siècles ont réussi à créer des recettes, que tous les pâtissiers reproduisent encore aujourd’hui, mais avec des fours dotés d’une technologie de pointe…
Il a donc fallu commencer par se déconditionner (de toutes les techniques apprises en CAP pâtisserie), et travailler de manière assez primaire, pour trouver de nouveaux fondamentaux. En travaillant comme un « savant fou », avec tous les ingrédients possibles et imaginables, j’ai essayé d’obtenir des résultats intéressants ou exploitables pour une texture, un mode de cuisson différent, ou encore des saveurs alternatives procurant autant de plaisir à un cerveau habitué à manger des oeufs et du beurre. Au début, ce fut un travail d’instinct avec beaucoup de ratés. Plusieurs années plus tard, des bases et une méthodologie rigoureuse ont été créées permettant de créer n’importe quel type de pâtisserie ou de végétaliser un classique de la pâtisserie française.
Lorsque j’ai estimé que mon travail était assez abouti et que me suis décidée à présenter mes recherches, l’accueil du public et des professionnels a été tellement enthousiaste que le challenge suivant a été de ne pas tomber dans l’autosatisfaction et la promotion facile… Pour cela, je continue à travailler avec des grandes pointures de la pâtisserie et avec un niveau d’exigence égal à mes débuts. Pour moi, la complaisance n’a jamais permis d’avancer. Et même si mon livre est attendu depuis plus d’un an , je continue à travailler dessus pour qu’il soit le plus abouti possible.
Y a-t-il un réel engouement pour les cours en mode 100 % végétal ?
Je travaille principalement avec des professionnels, et dans ce secteur il y a un engouement réel, car le manque de base théorique et technique n’aide pas à faire des choix intelligents, durables et rentables. Concernant les cours de loisir pour amateurs, j’ai également une grande demande, et je vais donc former des professeurs et animateurs de pâtisserie végétale pour répondre à la demande qui explose.
Ta recette préférée si tu en as une ? Celle dont tu ne pourrais pas te passer ?
Ma recette préférée ce sont les financiers tout simples ou au thé vert matcha. Et en été, les tartes aux fruits de saison (avec une bonne pâte feuilletée si possible et non pas une pâte sablée sucrée !)
Quels sont tes projets ? Verra-t-on bientôt une pâtisserie physique ?
Mes projets se construisent au fil de mes rencontres. Beaucoup de projets ont été étudiés : ouvertures de boutiques, pâtisserie industrielle de qualité, traiteur… et je n’exclus pas la possibilité d’une boutique ces prochaines années… Beaucoup de compétences autour de moi et des investisseurs potentiels me donnent la chance d’étudier toutes les possibilités. Mais je viens tout juste de poser mon QG dans le Château de Nanterre, une sorte de laboratoire alimentaire tourné vers l’innovation et engagé dans une action durable et éthique, et dans lequel je suis en « résidence » (aux côtés de nos amis Tomm Pousse). J’ai besoin de me poser un peu avant de décider quels seront les nouveaux projets.
Quelles sont tes adresses vegan incontournables en France ?
Je suis actuellement à Marseille pour une collaboration avec la pâtisserie Oh Faon qui partage les mêmes valeurs et envies que moi pour la pâtisserie végétale. Je recommande naturellement cet établissement qui a ouvert depuis 1 mois. À Paris, je ne manque pas d’aller voir mes amis d’Aujourd’hui-Demain, car les gérants sont vraiment adorables et la boutique donne une image contemporaine et fraîche du mode de vie végane.
Retrouvez Linda sur son site : https://www.l-okara.com